Courtney Barnett – Sometimes I sit & think & Sometimes I Just Sit

Courtney Barnett ne paye pas vraiment de mine dans ses jeans grisâtres et ses chemises à carreau. Pas de fard ni de raccord coiffure pour les photos. Elle est brute de décoffrage, comme son rock et ses textes. Ou plus vraisemblablement, elle s’en fout !

Elle a l’énergie et le spleen presque encore adolescent, quand tout à coup on s’éclate avec ses potes après avoir passé tout l’aprèm à glander en regardant passer les voitures (en écoutant “Depreston”, face A). Pas plus d’intellectualisation que ça. Et c’est pourtant, ou peut-être justement, d’une poésie complètement addictive. Comme le dit le titre de ce 1er album, Parfois je m’assois et je réfléchis, et parfois je ne fais que m’asseoir. Et disons qu’on souscrit parfaitement au programme, qui porte en lui toute l’ironie qui habite les chansons de Courtney.

A Sydney, dont elle est originaire, elle étudie les beaux arts, la photographie et le dessin (c’est d’ailleurs elle qui signe la pochette de son album). Côté musique, elle tente d’abord l’expérience de groupe, le temps de trouver le courage de se lancer en solo. Elle qui est plutôt avare de ses paroles, n’aime paradoxalement rien tant que la sincérité, un classique chez les grands timides. Ses textes parlent pour elle et magnifient la vulnérabilité de cette mise à nu subie/voulue.

Le plus de ce rock revigorant réside dans sa douce amertume. Que sa dérision soit typiquement australienne ou qu’elle lui soit propre, son supplément d’âme vient de son écriture. C’est d’ailleurs certainement un disque à offrir si vous avez un ado à la maison qui bute sur l’anglais (ça va, y’a les paroles sur la pochette !). Après la ballade désarmante Kim’s Caravan (et son clip fascinant) par exemple, impossible de ne pas faire de Courtney sa meilleure amie imaginaire. Rassurez-vous, ça marche aussi sur les adultes. C’est même super rafraichissant.

Chaque écoute est un ravissement coupable. Son humour sarcastique lui permet de toujours prendre les choses à la rigolade. C’est son mécanisme de défense. Dans un autre clip qui fait mouche, celui de “Pedestrian At Best”, grimée en clown triste, loser assumée face à la réussite des flagorneurs et des menteurs modernes, elle débite un refrain jubilatoire, à se chanter en boucle : « Put me on a pedestal and I’ll only disappoint you / Tell me I’m exceptional I promise to exploit you / Give me all your money and I’ll make some origami, honey ». (Je vous laisse traduire !)

L’album sort sur son propre label Milk Records. Parce que créer une plateforme est assez facile aujourd’hui avec internet et que sans se mettre la pression, elle voulait juste que sa musique soit entendue. Et c’est plus que chose faite puisque Courtney, en toute décontraction, est en train de mettre le monde à ses pieds. Comme Al Green, elle aussi a fait se dresser les poils aux spectateurs américains, dans le dernier né des night shows, celui de Jimmy Fallon : “Depreston” en version solo, guitare voix. Merci au revoir ! Courtney, elle est comme ça : c’est la girl next door qui rock vénère dans des t-shirts crados. L’éclate !

Olivier Pellerin