Description
« Ma vie c’est un film de Sundance, des fois il s’passe R je préfère rester en dehors des ennuis ». Voilà tout juste 5 ans que Népal, artiste prodige du rap français, est parti loin des ennuis, un soir de novembre 2019.
Adios Bahamas , son premier et unique album, sorti quelques semaines après sa mort prématurée, scellera à jamais le destin de cet artiste atypique dans le panthéon du rap français.
Népal, de son vrai nom Clément Di Fiore est né dans le 14e arrondissement de Paris en 1990. Son pseudonyme Népal, hommage à cette région du monde où est né le bouddhisme, place le décor de ses textes : Népal voulait combattre la négativité du monde, il se retrouvait dans la spiritualité orientale, plus particulièrement dans les préceptes de la philosophie bouddhiste.
Également inspiré par la culture japonaise, les mangas et les arts martiaux, le jeune Clément créé à la fin des années 2000 son “Dojo“, un studio de création, et s’entoure d’une bande d’artistes, beatmakers, rappeurs, graphistes :
la 75e Session est née, un collectif underground du hip-hop parisien qui va très vite devenir une des grandes familles du rap français des années 2010. On ne compte plus les artistes qui sont passés par ce Dojo, de Nekfeu à Georgio, en passant par Sopico, Deen Burdigo, Lomepal ou encore Doums, l’ami d’enfance de Clément. Bref, que du beau monde, un second souffle pour un rap parisien qui a longtemps étouffé dans l’ombre de NTM ou de Lunatic. Mais Népal n’a pas forcément l’âme d’un producteur ou d’un dénicheur de talents. Lui aussi a beaucoup de choses à dire et écrire. Il se fait toutefois une promesse : avancer toujours masqué, comme pour mettre une distance entre son art et la vie réelle. Toujours maquillé, encapuchonné ou cagoulé sur scène comme dans ses clips, et toujours discret dans les médias, il était très difficile de mettre un visage sur ce nom et sa silhouette énigmatique, telle une vieille âme bienveillante toujours un peu distanciée de ses pairs. L’anonymat toujours, pour ne pas polluer l’art.
En 2011 il se lance dans une série de freestyles sous le pseudo John Doe, qui en anglais désigne les individus non identifiés. Avec Doums, son copain du collège, il crée le duo 2Fingz. Ils sortent la Folie des Glandeurs en 2013. Ce n’est qu’à partir de 2016, et après avoir collaboré à de nombreux projets d’autres rappeurs du collectif 75e Session que Népal se lance enfin solo sous cette identité. Le projet 444 Nuits sort en mixtape et Népal commence à se faire remarquer par un public averti. Puis il participe au désormais classique
Cyborg de Nekfeu, ou encore sur Ye de Sopico.
Sans se disperser réellement, la gestation d’Adios Bahamas prend forme entre toutes ces collaborations, concerts, tournées, toute cette émulation autour de son Dojo du 18ème arrondissement.
Adios Bahamas sort en janvier 2020, deux mois après la mort de l’artiste.
Un disque intime, philosophique, introspectif, d’une force lyriciste rare dans le rap. On y entend les copains de toujours, Doums (sur « Millionnaire »), 3010 (dans « Sans Voir »), Sheldon (« Vibe »)…et Nekfeu (sur le morceau « En Face ») qu’on verra aussi dans le clip du poétique « Sundance », un des morceaux marquants de l’album. Le flow de Népal est aérien presque en état d’ascèse… Beaucoup ont parlé d’album posthume, mais en réalité les morceaux étaient quasi tous finalisés avant son départ. Tout avait été pensé, tout était construit. Tout était déjà enregistré, et Clément avait lui-même fixé la date de sortie… Comme s’il avait eu la prémonition de tout ranger avant le grand voyage, pour enfin offrir au public son vrai visage.
Adios Bahamas est un album bouleversant, non pas par la circonstance tragique, mais par sa poésie, son harmonie et sa sérénité diffuse, et ses lyrics empreints de grande sagesse. Un exemple de réussite passionnée, authentique et silencieuse qui va inspirer beaucoup de futurs grands nouveaux rappeurs encore tapis dans l’ombre.
Pour tout ce qu’il a accompli et pour tout ce qu’il représente, Népal peut désormais reposer en paix, le disque d’or fièrement posé près de sa couronne.
Marie-Laure Sitbon
L’ANECDOTE
Entièrement en japonais, l’opening d’Adios Bahamas de Népal reflète avec perfection les messages qu’il a incorporés dans son œuvre. Régulièrement inspiré par la culture nippone, l’artiste a voulu un morceau d’ouverture digne d’un manga. Après une ambiance abyssale, où l’on entend le rappeur sortir d’un océan profond dans lequel il vadrouillait, une voix japonaise ouvre Adios Bahamas avec un bref monologue.
« Népal, ayant percé les derniers mystères, tout en purifiant ses émotions sur une Île déserte au soleil qui brille de mille feux, réfléchissait calmement à l’état de l’homme et profitait de vacances oniriques… »