Description
Certains albums entrent dans l’histoire de la musique comme des ovnis. Et s’ils ne connaissent pas le succès immédiatement, la postérité peut arriver après coup ! C’est le cas du premier opus éponyme d’Arthur Verocai sorti en 1972 sur le label Continental.
À l’époque, ce jeune brésilien ingénieur civil de formation devient compositeur pour les télénovelas et les régies publicitaires
de son pays. Rapidement, sa réputation le pousse à faire des arrangements pour de grandes stars brésiliennes telles que Jorge Ben, Marcos Valle, Gal Costa ou Elis Regina.
Son talent ne passe pas inaperçu auprès du label Continental qui lui propose donc de composer son propre album. Arthur accepte à une seule condition : qu’il ait carte blanche pour l’élaborer
car il voit les choses en grand ! Avec l’accord de son éditeur, il s’entoure d’un orchestre de vingt musiciens (avec une grosse section de cordes) et y inègre quelques pointures de l’époque : les saxophonistes Paulo Moura et Oberdan Magalhães (du Banda Black Rio), les batteurs Robertinho Silva et Pascoal Meirelles, le guitariste Toniho Horta (musicien du Clube Esquina).
Pour composer son premier opus, il s’inspire des artistes qu’il écoute en boucle à l’époque : Blood Sweat and Tears, Chicago, Wes Montgomery, Frank Zappa, Herbie Hancock, Miles Davis… pour ne citer que les plus connus, tout en étant influencé par les grands noms de sa culture brésilienne, Milton Nascimento en premier lieu. Il en résulte un album de dix titres dont certains morceaux ont été en quelque sorte conçus comme la bande son d’un film imaginaire.
A mi-chemin entre bossa nova sophistiquée, (« No Boca do
sol », « Sylvia », « O Mapa »), balades folk (« Cabloco ») et jazz- funk classieux (« Pelas Sombras », « Presente Grego ») ou psychédélique (« Karina »), il invite même la chanteuse Celia Regina Cruz aka Celia avec qui il avait déjà collaboré sur ses deux premiers productions, pour un beau et envoutant « Sériado ». Ce LP fait voyager dans des univers différents mais trouve malgré tout une unité dans des orchestrations particulièrement subtiles et chiadées. S’il en résulte une véritable réussite artistique, une question sans réponse demeure : pourquoi la très grande majorité des titres sont très courts (moins de 3 minutes en général!) ? Une chose est sûre, le disque ne trouve pas son public à l’époque et, considérant que c’est un échec, son auteur décide de retourner à son travail initial…
Il faut attendre 2003 pour que le célèbre label californien Luv N’ Haight/Ubiquity ne réédite l’album. Toute une nouvelle génération découvre alors le brésilien et ses compositions. Le milieu hip-hop s’empare notamment du phénomène : Ludacris, Bow Wow, Snoop Dogg, Schoolboy Q, J.Rawls… le sampleront allègrement ! Quant à Madlib, il le considère comme un de ses disques de chevet ! Arthur Verocai connait une seconde vie artistique et est sollicité par le label anglais Far Out Recordings pour sortir un album intitulé Encore en compagnie de ses compatriotes Azymuth et Ivan Lins en 2007 et, sorti en 2016, No Voo Doo Urubu montre qu’il n’est pas totalement parti des affaires !
En tout cas, son premier essai éponyme a depuis connu plusieurs rééditions. La dernière en date chez Mr. Bongo l’an dernier nous prouve qu’il est devenu avec le temps un vrai classique ! Il faut dire que si vous voulez vous offrir le LP original il faudra casser votre PEL et débourser aux alentours de 2500€ si l’on se réfère aux derniers exemplaires vendus sur Discogs (si vous avez la chance d’en voir un en vente en plus !). Quem espera sempre alcança.
Arnaud Brailly