Description
Depuis quelques années maintenant les influences turquo- anatoliennes à tendance pop, rock, folk ou psyché ont le vent en poupe. Cet “anadolu pop“ comme disent les spécialistes a ses figures de proues : les fers de lance Altin Gün en premier lieu mais également des artistes comme Baba Zula ou Gaye Su Akyol. Même les américains à tendance soul-funk de El Michels Affair y ont puisé une grande partie de leurs influences sur leur album Yeti Season sorti il y’a deux ans. Derya Yildirim & Grup Simsek font partie de cette scène florissante et bouillonnante.
C’est la rencontre entre la jeune chanteuse et multi-instrumentiste allemande d’origine turque et les trois quarts de l’Orchestre Montplaisant, groupe londonien de latin/world lors d’un festival à Hambourg en 2014 qui marque la naissance de leur collaboration. Le combo composé à l’origine, en plus de Derya, d’Andrea Piro à la basse, Antonin Voyant à la guitare, Graham Mushnik, claviériste, Greta Eacott, batteuse percussionniste, et d’Alex Oliveres pianiste et producteur (et accessoirement co-fondateur du label Catapulte Records) se caractérise par un melting pot d’influences et de nationalités bien différentes.
En 2017, leur créativité prend vie avec un premier EP, Nem Kaldi, qui sort sur le label suisse les Disques Bongo Joe en collaboration avec Catapulte, suivi l’année suivante par le 45 tours Oy Oy Emine / Kürk. Il faut attendre 2019 pour qu’un album complet voie le jour : Kar Yagˇar et sa belle pochette psychédélique, assez fidèle au rock anatolien des années 60 et 70 et qui permet au désormais quartet d’avoir une vraie visibilité au sein de cette scène en plein développement.
Puis, c’est pendant la période Covid qu’est composé l’album Dost (qui signifie “ami” en turque), un diptyque dont la première partie sort en 2021. On y retrouve une avancée vers des sonorités plus modernes comme le démontre la réinterprétation d’un morceau traditionnel turque : « Haydar, Haydar ».
Le deuxième volet, Dost 2, arrive dans les bacs en novembre 2022 et propose un mélange de groove hypnotique et psychédélique qui invite à l’évasion et à la danse.
C’est le cas dans le morceau « Bal », premier extrait de l’album, ou bien encore sur l’ondulant « Darildim, Darildim » qui mélange guitare wah wah, baglama (la luth turc à six cordes) et sonorités électroniques. Mais cet opus évolue dans un univers plus poétique voire introspectif. Sur le titre « Gümüs » par exemple (que l’on peut traduire par “argent“), composé avec l’écrivain Duygu Agal, la voix de Derya Yildirim nous embarque dans une mélodie émotionnelle à la fois pure et envoûtante. Cette dernière prend également toute sa place sur un titre comme « Odam Kireç Tutmuyor » accompagnée seulement d’un orgue et d’une flûte ou encore sur « Merakli Gönül » et ses synthétiseurs orientalisants.
Voici au final une belle réussite, qui s’apprécie autant sur vinyle qu’en live. Si vous avez l’occasion de les voir sur scène, ne manquez pas leur venue qui vous fera voyager au-delà des frontières et des étiquettes !
Arnaud Brailly
L’ANECDOTE
La prolifique Derya Yildirim qui navigue déjà entre plusieurs projets (notamment son orchestre de musique de chambre Ensemble Resonanz) a quand même trouvé du temps pour réaliser un album avec son compère français Graham Mushnik de Grup Simsek intitulé Hey Dostum, Çak! qui vient juste
de sortir sur le label allemand Buback. En fait, celui-ci est un peu particulier puisqu’il s’agit d’un disque pour enfants composé de berceuses et de chansons folkloriques que lui chantaient son père ou son professeur de baglama lorsqu’elle prenait des cours dans un magasin de quartier de Hambourg-Veddel. Une autre manière de transmettre les traditions et de les ouvrir à un public nouveau. Une artiste décidément pleine de surprises !