Description
EMILIO SANTIAGO (1975).
Ce premier LP éponyme d’Emilio Vitalino Santiago est le reflet de ce que la musique brésilienne pouvait produire de meilleur dans les 70’s. Bien qu’ayant connu un succès commercial limité à l’époque de sa sortie (pour Emilio, le succès auprès du public arrivera plutôt vers la fin des années 80), il n’empêche que celui-ci résume à lui seul la créativité et la diversité de la scène particulièrement prolifique du pays des favelas : bossa nova, funk, samba, MPB (Musique Populaire Brésilienne), balades façon crooner etc. y sont abordés avec talent et dextérité.
Il faut dire que, probablement aidé par le label CID chez qui il avait alors signé, celui qu’on appelait le « Nat King Cole brésilien » avait réussi pour son premier opus le tour de force de réunir en studio quelques-uns des plus fin limiers de l’époque ! João Donato aux claviers, Wilson das Neves, Ivan ‘Mamão’ Conti et Paulinho à la batterie, Durval Ferreira, Carlos Roberto Rocha and Helio Delmiro à la guitare, Ariovaldo, Orlandivo, et Chacal aux percussions… (et on pourrait continuer longtemps comme ça tant les musiciens réunis ici donnent le tournis) font partie de ce line-up d’exception !
L’ensemble de l’album revisite en grande partie des titres parfois méconnus de compositeurs brésiliens comme Jorge Ben, Van Lins, Nelson Cavaquinho, Guilherme de Brito, Marcos Valle ou Paulo Sergio notamment. Le premier titre du LP, « Bananeira » est lui-même une reprise de João Donato, sorti la même année sur son projet Lugar Comum avec des paroles de Gilberto Gil, excusez du peu ! Si l’original évolue dans un univers mid-tempo, la version d’Emilio est assurément funky et dégage un feeling terriblement communicatif. On ressent même le plaisir que João semble prendre aux claviers à donner une énergie nouvelle à son morceau. Véritable moteur de l’album, celui-ci n’était pourtant pas sorti en single à l’époque. Il faudra attendre 2016 pour que Culture Of Soul Records le réédite en 45t pour la première fois en tirage très limité ! Si vous êtes un auditeur de Radio Nova, ce titre risque de vous être familier car il fait partie des « gold » qui passent régulièrement à l’antenne.
« Brother », la reprise de Jorge Ben dans une version très soulful avec ses chœurs féminins façon flower power tient aussi la dragée haute. Écrit en langue anglaise, celui-ci a, il est vrai, un refrain particulièrement mémorisable : « Jesus Christ is my Lord, Jesus Christ is my friend ! », le tout vous l’aurez compris dans une ambiance œcuménique faite de fleurs, de musique et de chemin divin ! Même si l’on est athée, l’envie nous prend de se laisser entraîner par ces chants de sirène particulièrement entêtants.
Mais, voyez-vous, quand on est au Brésil la bossa nova est, et de façon évidente, également une influence majeure. Emilio Santiago en maîtrise parfaitement l’esprit comme on peut le remarquer à travers les titres « Quero Alegria », « Batendo a porta » ou encore « Doa a quem doer » écrit à l’origine par Ivan Lin. C’est d’ailleurs également le cas de la samba que l’on retrouve sur « Nega Dina », une composition de Zé Keti.
Parfois la voix d’Emilio se fait suave et soyeuse sur des titres comme « Porque Somos iguais », « Despois » ou encore le très jazzy morceau de fin « Sessão Das 10 » à la façon des crooners américains Nat King Cole ou Franck Sinatra qui ont, bien entendu, aussi largement inspiré sa musique.
Enfin, un vent du Spanish Harlem souffle sur Rio de Janeiro quand Santiago interprète « La Mulata », à mi-chemin entre boogaloo et salsa.
Pour un premier essai, monsieur Santiago signait là un coup de maître. D’ailleurs il ne fallut pas longtemps pour que la major Philips (peut-être la plus puissante au Brésil à l’époque !) le signe pour un deuxième opus : Brasileiríssimas. Un mariage qui durera jusqu’au milieu des années 80, avant son grand succès populaire en 1988 avec Aquarela Brasileir.
Vous l’aurez compris, vous avez ici un pan de l’histoire de la musique brésilienne.
Alors comme on dit là-bas : « aproveite o som que é uma delícia brasileira ! »
L’Anecdote : Cet album est sorti en 1975 avec une pochette différente de celle que vous avez sous les yeux. On y voyait Emilio Santiago en gros plan, de profil sur un fond assez foncé. Trois ans plus tard alors que sa carrière est en pleine ascension chez Philips, le label CID décide de son côté de rééditer l’album avec un nouveau visuel plus en phase avec les tendances de l’époque (plus funky dira-t-on !). Emilio tout de jean vêtu, avec un pantalon pattes d’eph’ est assis sur un tabouret derrière un fond bleu, avec son nom d’artiste clairement visible à plusieurs endroits de la pochette.
C’est ce visuel que Far Out Recording a donc choisi pour cette réédition en 2018.
A noter qu’un troisième visuel totalement raté fera son apparition en 1991 pour la première édition en CD de l’album sous la forme d’un dessin du visage d’Emilio Santiago !
Discographie sélective :
1975 : Emilio Santiago
1976 : Brasileiríssimas
1977 : Faito Para Ouvir
1978 : Emilio
1982 : Ensaios De Amor
1988 : Aquarela Brasileira
2000 : Bossa Nova
2003 : Emilio Santiago encontra João Donato
2011 : Sò danço samba
Biographie :
6 décembre 1946 : naissance d’Emilio Vitalino Santiago à Rio de Janeiro
1970 : Récompense du meilleur interprète du festival de la Faculté Nationale de Direito
1973 : sortie de son 1er 45t chez Polydor : Sarava O Nega / Transa De Amor
1975 : sortie de son 1er album éponyme chez CID
1976 : nouveau contrat avec Phillips
1988 : sortie de son plus gros succès Aquarela Brasileira chez Som Livre
2000 : Sortie chez Sony de Bossa Nova et de son premier DVD
2010 : Sortie du live « O Melhor Das Aquarelas »
20 mars 2013 : décès à Rio de Janeiro
Arnaud Brailly