Description
Quand on est adoubée par les superstars du hip-hop Jay-z ou Kendrick Lamar, et qu’en tant que femme on évolue dans un univers encore profondément masculin voire machiste, on peut aisément penser que l’on a creusé sa place dans le rap game ! Pourtant, particulièrement consciente et intègre, la londonienne Little Simz évolue loin des standards mainstream et des positions outrancières de ses homologues américaines façon Cardi B ou Nicki Minaj.
Bien que passionnée par la musique dès le plus jeune âge, c’est pourtant bien en tant qu’actrice que Simbi Ajikawo, son nom à l’état civil, a commencé sa carrière professionnelle. En jouant dès 2010 dans des séries télévisées telles que Spirit Warriors puis Youngsters, elle commence en parallèle à multiplier les projets musicaux. Celle qui avoue avoir comme disque de chevet A Miseducation of… de Lauryn Hill, s’inspire bien entendu des stars du hip-hop américain (Missy Elliott, Nas, Schoolboy Q…) mais également du grime anglais proposé par sa génération, plus électronique et expérimental. Ouvrant grandes les vannes de la création artistique, elle ne veut surtout pas être étiquetée, et laisse sa productivité la guider. En résulte entre 2010 et 2015 pas moins de douze projets différents naviguant entre mixtapes et EP !
Farouchement indépendante, elle crée entre-temps son propre label, Age 101 Music, qui lui permet d’asseoir la production et la distribution de ses futurs albums. C’est dans la foulée qu’elle sort son premier LP, A Curious Tale of Trials + Persons, qui fait parler de lui auprès des médias et du public. Il est suivi l’année d’après en 2016 par son second opus, Stillness in Wonderland, qui confirme son talent.
Il faut attendre plus de deux ans pour que son album qui la fera passer au niveau supérieur,Grey Area, voie le jour. En s’entourant du producteur Inflo, elle propose une réalisation à la fois brute, hypnotique et puissante. Gagnant en maturité, elle ose mettre en avant son ultra sensibilité en abordant des sujets complexes et torturés tout en montrant une affirmation de soi assumée.
Dès le morceau d’ouverture « Offence » le ton est donné : breakbeat efficace et sec, basse synthétique pesantes, envolées de violons ou de flûte et flow rapide, Simz nous embarque dans son univers. Ses inspirations sont d’ailleurs riches et variées comme on peut l’entendre sur « 101 FM » qui n’hésite pas à aller piocher dans des ambiances asiatiques caractéristiques.
De plus, elle sait ici s’entourer de featurings précieux sur des morceaux aux mélodies plus marquées : le soulful et funky « Selfish » avec le chant de l’envoûtante Cléo (surement le titre le plus tubesque de l’ensemble), le flow plaintif de Chronixx sur « Wounds », le mid- tempo mélancolique de « Pressure » avec Yukimi Nagano de Little Dragon ou encore le doux « Flowerzs » agrémenté de la voix soyeuse de Michael Kiwanuka. Ce dernier titre est d’ailleurs co-produit par Astronote qui a travaillé sur les précédents disques de Little Simz.
Ses troubles intérieurs et ses vieux démons sont également abordés dans des morceaux comme « Therapy » et « Venom », mais c’est pour mieux évoquer les épreuves qui l’ont rendu plus forte et déterminée que jamais.
Bref cette “zone grise” est une véritable réussite, qui se classe en première place des charts R&B/anglais, et la fait sortir du hip-hop underground pour lui assurer une visibilité internationale tout en restant fidèle à son esprit et à ses valeurs ! C’est sûrement à cela que l’on reconnaît les véritables artistes ! Elle en est devenue une grande !
Arnaud Brailly