Description
Quand Illimatic sort le 19 avril 1994 aux USA, il fait l’effet d’une bombe dans le milieu hip-hop, au point que le magazine “The Source”, la bible du rap Outre-Atlantique lui décerne directement la note rare de “5 micros” (sur 5), le faisant passer immédiatement à l’état de classique du genre !
Celui qui est né Nasir Bin Olu Dara Jones 20 ans plus tôt dans Brooklyn a, il est vrai, sûrement bénéficié de la protection d’une bonne étoile à sa naissance. Fils du musicien Olu Dara, ayant joué entre autres avec David Murray et Henri Threadgill, Nas va déménager enfant, dans le quartier de Queensbridge (Bastion historique de Marley Marl et du Juice Crew), subir le divorce de ses parents et décider de quitter l’école alors qu’il est en quatrième. Si comme pour des milliers d’adolescents en errance, l’histoire aurait pu mal tourner, sa passion pour la musique et l’opportunité des bonnes rencontres vont lui permettre d’avoir un autre destin : à 15 ans, il croise dans son quartier de Large Professor un gamin de son âge qui est en train de créer avec deux de ses amis un groupe : Main Source. C’est naturellement que Nas (appelé aussi à l’époque Nasty Nas) est invité en 1991 pour poser sur le titre « Live at the Barbeque » de leur premier album Breaking Atom, en compagnie de Akinyele et Joe Fatal. La présence du jeune MC est tellement charismatique qu’il se fait vite repérer dans le milieu. L’année suivante c’est d’ailleurs MC Search, l’un des membres du célèbre groupe 3rd Bass signé chez Def Jam, qui le prend sous son aile. Il lui propose d’enregistrer un titre avec lui, « Back to the grill » sur son premier album solo, Return of the product, mais également d’apparaître en solo sur une bande originale dont il est le producteur : Zebrahead. Le titre « Halftime » sort en single en 1992 et devient le premier classique de Nas grâce au travail de son ami Large Professor !
Malgré son talent, Nasir a du mal à trouver un label pour signer son premier album. Search sera une fois de plus son ange gardien et lui fait rencontrer Faith Newman, responsable artistes et répertoires de nombreux labels qui, charmée par le potentiel du rappeur, le signe chez Columbia. Illimatic est enregistré aux Power House Studios et peut enfin voir le jour !
Et quel album ! Search en tant que producteur exécutif va contacter son carnet d’adresse et inviter le gotha ou presque des faiseurs de hits hip- hop de l’époque, tout comme Large Pro’ qui fait également marcher son réseau et produit deux nouveaux titres pour son ami : « One Time 4 your mind » et surtout « It ain’t hard to tell », l’un des tubes du LP, avec son sample du « Human Nature » de Michael Jackson.
Parmi les pointures incontournables, DJ Premier, la moitié de Gang Starr, compose « N.Y State of mind » et « Memory Lane ». Les deux titres d’une redoutable efficacité révèlent que la complicité entre les deux hommes est autant artistique qu’humaine. Pete Rock est aussi de la partie, avec un « World is yours » qui échantillonne une boucle de piano du jazzman Ahmad Jamal. Même Q-Tip de A Tribe Called Quest, vient prêter main forte au MC avec le titre « One Love ».
Malgré ce florilège de producteurs, l’album de 10 titres dégage une formidable cohérence, pas seulement d’un point de vue musical mais également grâce aux textes toujours pointus et subtiles de Nas, sa dextérité rhétorique et son flow technique et précis. Illimatic est alors encensé par la critique et devient une référence du hip-hop new-yorkais dans la foulée des locomotives Enter the Wu-Tang (36 Chambers) de Wu Tang Clan et ReadyTo Die de Notorious B.I.G, qui marquent la renaissance de la scène rap East Coast. Il place la barre tellement haut que son album suivant, It was written malgré son grand succès commercial ne connaît pas la même aura auprès des aficionados car jugé moins authentique… Ce qui n’empêchera pas Nas de continuer une belle carrière et d’être toujours considéré comme une des références de l’âge d’or du hip-hop.
Arnaud Brailly