Description
On peut préférer les Rolling Stones aux Beatles, le Black-metal au Shoegaze, la Drum’n’bass au Free-jazz, une chose est sûre : Thriller reste le disque le plus important de l’histoire de la musique. L’avoir enfin entre les mains, et en vinyle s’il vous plaît, c’est plus qu’un droit, un devoir ou un snobisme de bon aloi. C’est posséder un souvenir commun dans la mémoire du monde, en plus d’une increvable collection de pépites qui sauverait n’importe quelle soirée ratée.
Parler d’un mythe contemporain, c’est commencer par un gros chiffre. Alors, évacuons-le : Thriller, album le plus vendu de tous les temps depuis sa sortie le 30 novembre 1982, s’est retrouvé dans plus de 100 millions de foyers. Mais parce qu’un chiffre, aussi énorme soit-il, ne fait pas entendre le moindre son, revenons-en à la musique.
1982 : Michael Jackson a 24 ans, 18 ans de carrière et déjà 100 millions d’albums vendus derrière lui, avec ses frangins des Jackson 5. Sa transformation physique a déjà commencé : sur la pochette de son dernier album solo, « Off the Wall », il est encore cet afro-américain souriant, si classe dans son smoking noir. Off the Wall a été un énorme succès mais Michael veut plus, encore plus. Il veut réaliser son rêve de gosse : enregistrer le disque le plus vendu au monde.
Pour réussir une recette, mieux vaut réunir les meilleurs ingrédients : rappeler Quincy Jones à la production, convoquer Rod Temperton (Heatwave), Steve Porcaro (Toto), James Ingram et la guitare d’Eddie Van Halen pour le solo de « Beat it ». Doser le juste équilibre entre pop, funk, soul et ballades. Réaliser trois clips qui tuent (« Thriller », « Beat it » et « Billie Jean ») et les faire tourner en boucle sur la toute jeune chaîne MTV.
Le premier single, « The Girl is mine » en duo avec Paul McCartney, est accueilli avec des pouces levés, mais c’est le groove irrésistible du deuxième, « Billie Jean », qui propulse tout l’album au sommet des hit-parade. Thriller atteint le record que l’on sait en moins d’un an, 7 de ses 9 titres entreront dans le Top 10. Quincy Jones s’est donné du mal pour équilibrer des morceaux a priori disparates : musicalement, on passe par le rock (« Beat it »), la soul (« The Lady in my life »), le slow (« I’m looking at you ») sans heurts. En 42 minutes parfaites, « Thriller » a changé l’industrie de la musique, et la vie de son génial interprète, de manière irréversible.
Sur la pochette, signée du grand portraitiste Dick Zimmerman à qui il a emprunté son costard blanc, Michael Jackson est à moitié allongé. Il s’est déjà fait raboter le nez mais c’est son regard mélancolique qui accroche. Celui d’un homme déjà déchiré entre noir et blanc, lumière et obscurité, refrains furieux et thèmes mélancoliques. Celui d’un artiste dont la voix de cristal ambré et le moonwalk extra-terrestre ne se sont pas encore usés à force de se frotter à leur propre légende. Jackson a réalisé sa folie des grandeurs, la qualité de ses albums et sa santé mentale feront désormais des montagnes russes, mais « Thriller » garde gravé dans ses sillons l’illusion d’un monde parfait.
Jennifer Lesieur