Description
Début 2012, la soul est déjà revenue en force depuis quelques années dans le paysage médiatique et se divise grosso modo, en deux catégories. D’un côté une soul mainstream qui n’hésite pas à aller puiser dans la pop à l’instar d’une Adèle et d’une Duffy, érigées en nouvelles prêtresses du genre outre-Manche depuis le décès d’Amy Winehouse l’année précédente. De l’autre, les héritiers de James Brown, Marvin Gaye et compagnie qui prônent haut et fort un retour aux sources de manière plus authentique, bien que populaire, sont mis en avant par des labels passionnés tel que Daptone ou Stone Throw. Citons Sharon Jones, Aloe Blacc ou Mayer Hawthorne pour les noms les plus connus. Michael Kiwanuka, jeune homme de 24 ans, montre alors qu’une autre soul est possible, une troisième voie en quelque sorte inspirée également par la folk music et le blues à l’image de grandes figures du genre des années 70 comme Bill Withers ou Terry Callier.
En effet, l’anglais d’origine angolaise découvre la guitare à l’âge de 12 ans et c’est la révélation ! Bob Dylan et Otis Redding accompagnent son adolescence et il intègre vite le fait que l’on puisse raconter des histoires qui viennent de l’âme tout en proposant des mélodies personnelles et simples sans orchestration grandiloquente ou accompagnement gargantuesque ! Il compose dans son coin ses premières chansons et donne des concerts dans son quartier d’Hackney à Londres. Il est alors repéré par un certain Paul Butler, musicien talentueux, multiinstrumentiste et tête pensante du groupe de rock indé The Bees. Les deux hommes s’enferment dans les studios de ce dernier sur l’Ile de Wright pour enfanter Home Again.
Dès la sortie du premier EP en 2011 en préface de l’album on découvre tout le potentiel du jeune artiste avec les titres « Tell me a tale » et « Home again ». Son sens inné de la composition nous permet de rentrer dans l’univers soyeux et poétique de son auteur.
D’ailleurs, ces premiers titres le propulsent littéralement : élu meilleur son de l’année par les auditeurs de la BBC, il est l’une des découvertes des Transmusicales de Rennes cette même année, les Black Keys l’adore et Adèle lui propose de faire la première partie de sa tournée ! Excusez du peu !
Quand on rentre plus en détail dans cet album on se rend compte combien, au delà d’une esthétique particulière, le rendu émotionnel prédomine dans ce premier opus, quelles que soient ses influences. Sur la douceur du titre « Rest » par exemple on pourrait ressentir la patte d’un Graham Parsons, étoile filante de la folk américaine du début des années 70. La touche jazzy de « Bones » pourrait évoquer quant à elle un Nat King Cole nouvelle génération. Le point commun de toutes ces productions étant de privilégier un travail instrumental épuré guidé par l’harmonie des voix, de la guitare et des percussions. Comme l’artiste le dit dans une interview : “la musique doit être vivante, organique, incarnée”.
L’un des titres les plus marquants de cet album est sûrement « I’ll Get Along » avec la flûte enchanteresse de Gary Plumley, ancien compagnon de route notamment de Snowboy ou d’un certain…Terry Callier ! Sa mélodie rentre dans votre cortex sans jamais en ressortir et a largement été diffusée sur les radios spécialisées chez nous.
Extrêmement bien reçu par la critique et le public, ce premier LP a permis d’inscrire Michael Kiwanuka dans les artistes incontournables de la scène soul anglaise. Loin d’être un feu de paille, toujours dans l’actualité aujourd’hui, son dernier album en date éponyme sorti fin 2019 a démontré que même s’il évolue dans un registre plus éclectique, l’artiste n’a rien perdu de son sens de la composition. Pour le plus grand plaisir de nos oreilles !
Arnaud Brailly