Description
Le film O’Brother sorti en 2000 sur grand écran fait partie des longs métrages cultes des frères Cohen, en pleine période de reconnaissance internationale, juste après Fargo et surtout The Big Lebowski.
Si à l’époque le public et les critiques mettent en avant la réussite de celui-ci notamment dans son traitement de l’esthétique visuel (bien plus que par son humour), l’unanimité concerne surtout la bande son !
Il faut dire que cette dernière a été particulièrement soignée pour mettre en scène l’histoire de ces trois fugitifs, embarqués en plein cœur de l’état du Mississippi des années 30, à la recherche d’un hypothétique magot d’un million de dollars. Librement inspiré de l’Odyssée d’Homère, ce road movie va être l’occasion pour les protagonistes — le futé Ulysses Everett McGill (George Cloney) et ses compères Pete (John Turturro) et Delmar O’Donnell (Tim Blake Nelson) — de rencontrer au cours de leur périple différents personnages tantôt amicaux, hostiles ou complètement déjantés. Chaque tableau étant une occasion précieuse de mettre la musique en avant, véritable fil conducteur de ce film. Car la bande originale n’est pas ici un vague concept marketing qui ne sert qu’à vendre les morceaux inédits des artistes du moment… non, elle s’intègre de façon intime dans l’histoire du film, comme chez Quentin Tarantino par exemple. Et si habituellement Joel et Ethan Cohen travaillent avec Carter Burwell pour mettre en musique leurs images, il confie ici la tâche de supervision et de production au musicien T-Bone Burnett, un artiste ayant travaillé avec Bob Dylan, Roy Orbison ou Elvis Costello (pour ne citer que les plus connus) et leader de The Alpha Band dans les années 70. L’ensemble du répertoire qu’il a sélectionné est composé de chansons traditionnelles, de country, de bluegrass, de folk, de gospel et de blues… qui forme un ensemble cohérent où s’entremêlent les influences des uns et des autres.
Dès le générique avec le classique de Harry McClintock « Big Rock Candy Mountains », un titre enregistré à la fin des années 20 par ce chanteur, le spectateur-auditeur est plongé dans cette atmosphère particulière ! Et la work song des premières images montrant des prisonniers entonnant la chanson traditionnelle « Po Lazarus » interprétée par James Carter & The Prisoners au rythme des coups de massues sur les pierres finit de planter le décor. Un décor où des personnages fictifs côtoient des personnages historiques du Sud pendant
la Grande Dépression : le braqueur de banque Baby Face Nelson, l’excentrique Pappy O’Daniel (homme politique, animateur radio et chef d’entreprise, une sorte de Trump avant l’heure !) mais surtout Tommy Johnson, bluesman du Delta de la fin des années 20, début des années 30. Ce dernier est interprété par un véritable musicien puisque c’est Chris Thomas King qui tient le rôle, une des figures du renouveau du blues louisianais depuis le milieu des années 90. Il sortira d’ailleurs l’année d’après un album hommage à Tommy Johnson reprenant ses plus grands titres. Le morceau « Hard times killing floor blues » illustre à merveille l’esprit de cet homme qui a “donné son âme au diable”.
Mais les passages les plus truculents ont lieux autour des Soggy Bottoms Boys, (Les Culs Trempés dans la version française, une référence à peine cachée aux Froggy Mountain Boys, le groupe le célèbre de bluegrass des années 60) un groupe inventé de toute pièce par notre trio de Pieds Nickelés pour enregistrer un titre dans un studio qui fait aussi office de station de radio perdu au milieu de la campagne, leur rapportant quelques dollars seulement. Contre toute attente leur version de la chanson traditionnelle « I Am A Man Of Constant Sorrow » devient un tube dans la région et leur permet lors d’un concert impromptu de galvaniser les foules, dans une hystérie collective qu’Elvis, les Beatles ou les Rolling Stones n’auraient pas renié !
Quelques grands noms de la country et de la folk music de la fin du XXème siècle complètent également le casting : le guitariste Norman Blake, la chanteuse et musicienne Alison Krauss, The Whites ou The Cox Family.
Vous l’aurez compris, cette bande originale est un voyage à elle toute seule, qui vous permettra si vous avez déjà vu le film de vous remémorer ses scènes les plus marquantes, et dans le cas contraire de vous inventer votre propre scénario. “Attention ! Silence sur le plateau… Action !”
Arnaud Brailly