Description
Une silhouette longiligne et cabossée s’avance dans la brume orangée. Le regard baissé, caché par des lunettes de soleil comme pour se protéger des regards intrigués qui se poseront sur la pochette de l’album « Searching For The Sugar Man », Sixto Rodriguez est encore là et s’en excuse presque. Portant son histoire à la Dickens, ses failles, sa voix nasillarde, son jeu de guitare si personnel et son talent comme un fardeau, il laisse aux autres le soin d’apprécier sa musique et de la transmettre.
Malik Bendjelloul l’a fait à merveille dans son documentaire Searching for Sugar Man qui reprend la quasi totalité des titres de l’album que vous avez entre les mains. Ces chansons, font résonner le chemin tortueux d’un homme de l’ombre. Il y raconte avec sa plume brutale et incisive, les manifs hippies des sixties, la lutte pour les droits sociaux, la corruption jusque dans les bureaux des politiciens, la libération sexuelle, la drogue, ses vices, ses troubles.
L’ombre comme seul point de repère. Dans l’ombre du monstre sacré Bob Dylan, dans l’ombre de l’anonymat, dans l’ombre et la poussière des bâtiments de sa ville natale de Détroit où il a travaillé pendant des dizaines d’années sur les chantiers, à défaut de pouvoir vivre de sa musique. Ce sont alors les brèches qu’il dévoile avec pudeur au cœur de son blues psychédélique qui laissent entrevoir la lumière en Sixto Rodriguez. Cet homme simple et vrai, témoin de son époque, luttant contre ses démons, exprime des sentiments universels et compréhensibles par tous car dépeints sans artifice.
Cold Fact est un trésor caché des années 60, exhumé récemment par le label Light In The Attic, permettant aujourd’hui au monde entier de découvrir cet immense album de folk-pop 60’s.
Lorsque les cordes style Motown rencontrent les refrains mélodiques dignes des grandes protest songs américaines sur Can’t Get Away, ou quand retentissent des sirènes alarmantes qui relancent le couplet final de Sugar Man, on sent bien qu’on écoute une musique éloignée des contraintes mercantiles, et l’expression sincère d’une lutte personnelle entre ombre et lumière.
Très célèbre en Afrique du Sud dans les 70’s où ses albums avaient été piratés puis diffusés en masse, Sixtoest devenu l’un des artistes les plus appréciés des jeunes de la classe moyenne blanche. Censuré pour ses paroles contestataires évoquant les droits sociaux et la libération sexuelle, il a participé de fait à la montée du mouvement contre l’apartheid chez les Blancs.
Alors que le public sud-africain le croyait mort, deux fans l’ont retrouvé grâce à Internet et ont organisé une série de concerts en Afrique du Sud en mars 1998, devant des milliers de personnes. Le film Sugar Man, qui raconte leur histoire, a obtenu l’Oscar du meilleur film documentaire en 2013 et a permis à Rodriguez de connaître la célébrité aux US et en Europe, où il réalise des tournées depuis 2013.
Cet album n’est pas seulement une balade musicale inoubliable, il est aussi le témoin d’une Histoire et l’âme d’un homme différent. La musique de Sixto Rodriguez est un passage obligé. Alors faites tourner votre vinyle, montez le son, écoutez :
“Born in the troubled city
In Rock and Roll, USA
In the shadow of the tallest building
I vowed I would break away…“
Can’t Get Away
J & J