Description
Quand on est né la même année que la création du hip-hop (1973) on peut indéniablement se dire qu’avoir 50 ans et des poussières, n’est pas forcément le début de la fin mais plutôt le signe de longues années d’expériences et de maturité.
Et ce n’est pas Laurent Daumail aka DJ Cam qui dira le contraire. Issu d’une famille dont le père est amateur de jazz, le jeune Laurent va d’abord apprendre le piano avant de se mettre à la batterie et à la basse pour finalement tout abandonner et s’acheter des platines ! Rien de plus normal quand on est fan d’Éric B & Rakim, Public Enemy, A Tribe Called Quest… bref des groupes hip-hop de référence de la fin des 80’s.
Devenant DJ, il va aussi commencer à s’intéresser à la production et au beatmaking. Il crée alors son premier label Street Jazz et, ne trouvant pas de MC pour ses instrumentaux éthérés et subtils, il décide de sortir son premier EP Abstract Hip Hop Volume 1 en 1994. Certains lui attribuent d’ailleurs la paternité du terme de cette esthétique musicale. Alors qu’une scène française électronique en pleine ébullition bientôt nommée “French Touch” lui permet de se faire remarquer, il sort coup sur coup l’année suivante son premier album intitulé Underground Vibes et un projet avec la Funk Mob (les futurs Cassius) et Mighty Bop, un des projets de Chris The French Kiss (aka le futur Bob Sinclar) et DJ Yellow sur leur label Yellow Productions.
Dans cet élan créateur, Cam crée un nouveau label : Inflamable.
Il enchaîne les projets dans les 90’s, les albums aussi: Substances en 1996, The Beat Assassinated en 1998, où il invite notamment les MC du New Jersey Channel Live, et Loa Project en 2000.
Mais après plusieurs années à bidouiller les machines, il ressent le besoin de revenir à quelque chose de plus organique qui pourrait réunir ses différentes influences, notamment son amour du jazz.
C’est de là que naît l’idée de Soulshine qui sort en 2002. Sans abandonner la programmation, il est ici à la fois compositeur et arrangeur et il est accompagné par la fine fleur du jazz-funk hexagonal : le trompettiste Alexandre Tassel, le saxophoniste Guillaume Naturel, le bassiste Daniel Roméo ou encore le pianiste Eric Legnini. Par ailleurs, des featurings prestigieux mettent en valeur ses productions : dans son casting on trouve notamment Anggun, qui sort de son registre “variété” sur le solaire et premier titre de l’opus « Summer in Paris » avec des relents jazz house des plus réussis. Pour la touche féminine, China (fille de Dee Dee Bridgewater) vient prêter son organe sur l’interlude « Welcome to sunshine » mais surtout sur le nonchalant et sensuel « He’s gone ». Côté néo soul,
DJ Cam fait appel au jeune Donnie, qui vient la même année de sortir son premier album The Colored Section et qui clôture l’album sur un envoûtant « Élévation » aux rythmiques 2step de près de 9 minutes et dont la voix nous rappelle un autre Donny nommé Hathaway !
Mais il va surtout se faire plaisir en invitant les stars américaines de sa jeunesse. C’est notamment le cas de Larry Blackmon du groupe culte de funk Caméo sur « Love Junkee » qui apporte une touche incroyablement groovy bien que downtempo à cet opus avec sa basse ronde et chaude (attention à vos hauts-parleurs!). Sa plus belle prise reste sûrement les membres de la Gang Starr Foundation qu’il invite sur deux titres purement hip-hop. Tout d’abord Guru (ici sous l’un de ses pseudos : Bald Head Slick) qui pose son flow si reconnaissable sur le titre « Condor », qui n’est pas sans rappeler son projet Guru’s Jazzmatazz. Ensuite, c’est son binôme DJ Premier qui remixe un des membres de leur collectif, Afu-Ra, le protégé de Jeru The Damaja sur le très bon « Voodoo Child ».
Du début à la fin, Soulshine est une belle réussite. En déclinant des univers différents, l’album garde malgré tout une unité teintée de groove et de jazz en mélangeant acoustique et électronique. Il marquera également une nouvelle étape dans la carrière du musicien qui s’ouvre à un nouveau public et ouvrant le champ des possibles de ses productions.
Hautement addictif, cet album devrait surement devenir pour vous, comme il l’est pour moi, votre “Cam” !
Arnaud Brailly
