Description
Certaines légendes sont parfois méconnues du grand public, ce qui ne les empêche pas de marquer l’histoire de la musique. Quand on parle de blues, on pense de façon spontanée à des incontournables artistes tels que Robert Johnson, Muddy Waters, John Lee Hooker, B.B. King, Albert Collins… et beaucoup moins à “T-Bone” Walker ! Pourtant source d’inspiration incontournable de l’histoire du blues et du rock, celui-ci a été intronisé à titre posthume au Blues Hall of Fame en 1980 et au Rock and Roll Hall of Fame sept ans plus tard. Et pour cause !
Né Aaron Thibeaux Walker en 1910 au Texas et issu d’une famille de musiciens à la fois afro-américaine et cherokee, il va être initié au blues par un ami de la famille, Blind Lemon Jefferson, qui va lui donner l’envie d’être musicien. Particulièrement doué, Aaron apprend à jouer de différents instruments : guitare, banjo, piano, violon…
Il quitte l’école très tôt et entame une carrière professionnelle dès l’adolescence en tournant dans les circuits spécialisés. En 1929, le label Columbia lui fait enregistrer un premier single, « Wichita Fall Blues / Trinity River Blues » sous le nom de Oak Cliff T-Bone (en référence au quartier de Dallas où il vivait et à la contraction sous forme de jeu de mot de son deuxième prénom Thibeaux). Après avoir travaillé dans les années 30 dans différents clubs de Los Angeles, c’est dans les années 40 que sa carrière va s’envoler en enregistrant plusieurs 78T pour différents labels : Varsity, Rhumboogie , Comet ou encore Black & White pour lequel il enregistre sa chanson la plus célèbre : « Call It Stormy Monday (But Tuesday Is Just as Bad) » et arrive même à classer quelques titres au Bilboard.
C’est surtout son style qui va marquer les esprits, en étant considéré comme un des pionniers du jump blues, un blues dynamique qui puise certaines bases dans le swing qui deviendra l’ancêtre du rhythmn and blues et du rock’n’roll. Il est également un des premiers à utiliser la guitare électrique et à développer un jeu particulier qui influencera nombre d’artistes des générations à suivre.
Malgré ça, au début des années 50, les contrats se font plus rares, la concurrence de nouvelles pousses le fait passer au second plan et de nouvelles esthétiques ringardisent le blues. Pourtant, à la fin de la décennie, le vent tourne en sa faveur. Grâce au “blues revival”, le label Atlantic décide de le signer et de lui faire enregistrer son véritable premier album : T-Bone Blues. Enregistré au cours de trois sessions studio entre 1955 et 1957, il faut attendre l’année 1959 pour que celui-ci arrive enfin dans les bacs ! Mélangeant d’anciens morceaux réenregistrés et de nouvelles compositions, cet opus est un incontournable de sa carrière, presque un best of ! Soutenu par des musiciens expérimentés, pointures du milieu blues et jazz (Billy Hadnott à la contrebasse, Earl Palmer à la batterie, Barney Kessel en deuxième guitare…), ce LP d’une incroyable musicalité s’enchaîne sans temps mort.
Du morceau d’introduction « Two Bones and A Pick » à tendance rock’n’roll/R’n’B au blues plus traditionnel de « Papa Ain’t Sally » en passant par la réintérprétation de son classique « Call It Stormy Monday », les onze plages vous emmènent dans l’univers de T-Bone, à la fois efficace et rythmé par la dextérité de sa six cordes et envoûtant par sa voix profonde et virile. Il lui permettra surtout de relancer sa carrière un temps.
Ce retour en grâce, bien que de courte durée, lui permettra d’asseoir un peu plus sa légende et d’enregistrer des albums presque jusqu’à sa mort. Il recevra même en 71 un Grammy Award pour le meilleur enregistrement dans la catégorie folk avec le titre « Good Feelin » et deux ans plus tard sera accompagné par une pléiade de stars du jazz pour son album
Very Rare (Dizzy Gillespie, Herbie Mann, Joe Farrell…) !
Décédé le 16 mars 1975 d’une pneumonie, il restera à jamais un guitariste mythique, adulé par une pléiade de musiciens talentueux.
Arnaud Brailly