Description
« I must fight this sickness. Find a cure… » (Robert Smith, The Cure).
Comment combattre cette maladie qu’on appelle la vie ? En tuant, en volant, en aimant, en se droguant, en créant… Robert Smith crée, et nous allons voir comment, s’accrochant au fil de sa discographie comme à un fil de vie, cet auteur virtuose est parvenu à sculpter une œuvre à sa (dé)mesure.
Soyons clair, cet album ne contient ni les fulgurances punk de « Three Imaginary Boys » ni la grâce étrange de « Pornography ». Mais il représente bien plus ; la preuve qu’un artiste peut se régénérer, et se sauver (Robert Smith signe à lui seul l’écriture, la composition et la production des 10 titres de l’album).
Non il n’y a pas d’ « Easy Cure » (un des premiers noms du groupe), et à la suite de la tournée terrifiante et extrêmement noire de « Pornography », les membres de la formation sont exténués, déprimés. Le bassiste à six cordes Simon Gallup claque la porte après avoir claqué la gueule de Smith après un concert. En juillet 82, à l’Ancienne Belgique à Bruxelles, le groupe improvise un titre en rappel « The Cure are dead ». Est-ce la fin ?
Non… Dans les trois ans qui suivent sortent deux albums et une quantité de faces B jusqu’à… jusqu’à « The Head on the Door ». Décembre 1984, Smith rappelle Gallup, ils s’expliquent, s’excusent. Le chanteur fait écouter au bassiste ses compositions, « I want to change » s’exclame-t-il dans « A night like this », et en effet… Dès les premières notes du disque qui paraît en août 85, on comprend que The Cure a changé : adieu au groupe post-punk /post-adolescent citant du Camus comme on citait du Sartre dix ans plus tôt.
Les parties de guitare naïves et le thème doucereux de synthé sur la chanson inaugurale « In Between Days » laissent présager d’un album résolument pop, assumé, droit dans ses bottes (ou ses grosses sneakers blanches). Le genre d’album qu’un génie écrit (parce qu’il le peut) pour renaître et faire changer d’époque toute une génération.
Un supplément d’âme flotte tout de même sur les chansons de cet album, si on les compare aux autres tubes aussi dansants et un peu plus naïfs de la même année : « Take on me » de A-HA, « Shout » de Tears for Fears ou encore Wham et Madonna.
Cette âme, c’est celle d’un des meilleurs auteurs que la pop moderne ait connus, les textes de Smith restent noirs, romantiques, hantés par cette « Head on the Door » dans l’immense « Close to me ». On comprend mieux le « Pom Pom » d’Ariel Pink à l’écoute de « The Baby Screams », on redécouvre les Smashing Pumpkins de « Siamese Dreams » et tout le grunge à venir sur le quasi instrumental « Push ».
Passons sur tous les sons de synthé, de basse, les flangers et les chorus dont tous les boutonneux torturés usent et abusent depuis ce joyau de la couronne… Bref on comprend trente ans après que The Cure a, par cet album de dix titres, non pas influencé une époque, mais bien l’histoire et les humains qui la font.
Et si vous pensez connaitre par cœur cet album, ré-écoutez le maintenant en lisant les textes en priant pour que ce visage que vous voyez sur la porte, dans le noir, ne soit qu’un rêve…
Julien Bensenior