Description
Gil Scott-Heron, artiste essentiel, icône incontournable de la musique afro-américaine, n’en reste pas moins, un artiste atypique difficilement classable surement parce qu’il est à la croisée des chemins, entre soul, jazz et spoken word. Mais finalement peu importe, ses créations sont à l’image de l’homme : libres, engagées et intègres !
Pourtant rien ne prédestinait ce fils d’un footballeur jamaïcain et d’une bibliothécaire chicagoane à devenir un musicien. Après le divorce de ses parents, il part vivre chez sa grand-mère dans le Tennessee et côtoie la ségrégation de plein fouet ! Débarquant finalement dans le Bronx à l’adolescence, il se prend alors de passion pour la littérature au lycée, tout en s’intéressant activement à tous les défenseurs de la cause noire : Malcom X et les Black Panthers en premier lieu.
En 1969, alors qu’il a fait un premier saut à l’Université Lincoln en Pennsylvanie, Scott- Heron décide d’écrire un premier roman :
“The Vulture”, un polar satirique sur la société américaine qui bien qu’édité par World Publishing ne rencontre pas le succès escompté. Peu importe, ce premier essai a renforcé son goût de l’écriture. Mais cette même année c’est surtout sa rencontre avec Brian Jackson, claviériste, étudiant en musicologie dans la même université qui est déterminante. Les deux hommes qui se lient d’amitié, sont tous les deux fans de The Last Poets, qu’ils côtoient, et commencent à composer ensemble ! Une collaboration naissante qui durera plus de dix ans !
En 1970, le duo rencontre Bob Thiele, une sommité dans le monde du jazz, producteur du célèbre label Impulse dans les années 60 qui vient juste de créer son label : Flying Dutchman. Ce dernier propose alors à Gil d’enregistrer ses poèmes fraîchement écrits, accompagné par les congas de Charlie Saunders et Eddie Knowles. “Small talk at 125th and Lenox” est né ! Dans ce premier album de spoken word on retrouve plusieurs morceaux essentiels notamment la première version de “The revolution will not be televised” et “Whitey on the moon” pamphlets qui dénoncent la domination des médias blancs, ou encore “Brother” à destination de la communauté afro-américaine.
Après ce premier succès d’estime Bob Thiele propose au duo d’enregistrer un 2ème album cette fois ci accompagné de musiciens. Gil et Brian embauchent alors quelques pointures du genre : Ron Carter à la basse, Bernard Purdie à la batterie, Hubert Laws à la flûte et au saxophone, le tout conduit par Johnny Pate !
Autant dire que l’artillerie lourde est de sortie et donne un aspect extrêmement abouti à l’opus “Pieces of a man“ qui sort en 1971 ! La version de “Revolution will not be televised” est réenregistrée, avec un jeu bass / flute devenu encore aujourd’hui un incontournable de toute bonne playlist qui se respecte ! Mais on y retrouve aussi d’autres classiques tout aussi essentiels comme “Home is where the hatred is” ou “Lady Day and John Coltrane”. Le tout toujours aussi engagé évoluant entre jazz- funk et soul donnant un côté plus accessible à son œuvre.
Malgré le succès de ce LP l’artiste n’envisage pas une carrière à temps plein et devient professeur de littérature à l’Université de Columbia en 1972. Ce qui ne l’empêche en rien d’enregistrer un troisième et ultime album pour Flying Dutchman “Free Will” plus intimiste, dans lequel il revient à son spoken word originel tout en explorant de nouvelles voies comme le blues bien nommé “The get out of the ghetto blues”.
En 1974 Gil Scott-Heron et Brian Jackson décideront finalement de continuer l’aventure sous leurs deux noms tout en changeant de label. C’est Strata-East qui les éditera donc pour la sortie de “Winter America” et son tube “The bottle” qui fera entrer le duo dans une nouvelle ère ! Flying Dutchman en profitera pour sortir la compilation “Revolution…” que vous avez entre les mains qui porte le nom de son morceau le plus emblématique, toujours cité comme une référence dans la préhistoire du mouvement hip hop !
Quand le 27 mai 2011, Gil Scott-Heron meurt à l’âge de 62 ans, les éditorialistes sont unanimes pour reconnaître sa place au panthéon des grands artistes américains, narrer ses débuts, sa collaboration fructueuse avec Brian Jackson, le difficile passage des années 80 jusqu’à la descente aux enfers dans la drogue et la prison, avant une résurrection autant inattendue qu’inespérée avec l’album “I’m new here” sorti l’année précédant son décès.
Le producteur de ce dernier disque, Richard Russell déclarera à la presse lors des hommages posthumes : “Il avait une intelligence vive et un sens de la formule imparable, un incroyable sens de l’humour, et une humanité qui lui étaient propres.” Autant de qualités qui transparaissent dans son œuvre aujourd’hui intemporelle.
Arnaud Brailly