Description
Certaines villes sont des êtres. Une âme, une petite musique intérieure, une odeur, une couleur, et des idées.
J’ai rencontré un être total.
Nous sommes tous des îles.
J’ai rencontré cet être sur l’Île des îles.
La Havane, Cuba.
Toi qui sais tout, qui parles sur tout, qui juges de tout, tais-toi, tu ne sais rien.
J’ai rencontré un peuple entier.
J’ai écouté sa voix, le son du “Tres” (guitare cubaine à trois cordes, comme son nom l’indique) dehors, partout…
J’ai arpenté ses rues, ses ruelles, ses quartiers, du Vedado à la Habana Vieja, en passant par Mariano, où il n’y a plus rien.
Le Buena Vista Social Club était une boîte de nuit époque Batista, où se produisait la crème du Son Cubano, quand La Havane était le bar à putes à ciel ouvert des États Unis…
Alors on l’a détruit à la révolution.
Retour au pays lettré du poète José Marti…
Étrange clin d’œil de la part des deux américains qui s’apprêtent, fin 1995, à ressusciter la fine fleur habanera un peu fanée (les musiciens réunis ont alors déjà près de 80 ans..) et la livrer au Dieu Spectacle !
Nick Gold de la maison de disque World Circuit et le guitariste globe trotter borgne Ry Cooder se retrouvent à La Havane en 1996, aux studios Egrem.
Leur but : réunir les dinosaures du Son Cubain et leurs homologues d’Afrique de l’Ouest.
Les africains sont bloqués à Paris, ils ne seront pas là à temps…
Les studios sont payés, on appelle en urgence Ibrahim Ferrer, Compay Segundo, Ruben Gonzalez et les autres, et on appuie sur “REC”.
L’album est enregistré en live, en 6 jours. Pas très étonnant quand on connais les oiseaux…
Et non ce n’est pas de la salsa !
C’est du Son, de la Habanera, de la Trova, la musique ancienne des Trovadores (troubadours) cubains, mais pas de salsa ici.
Tempo plus lent, mélodies mélancoliques, chants de campesinos mêlant déconvenues amoureuses et complaintes sociales ancrées dans la terre rouge…
Musique populaire ? Non, musique d’un peuple, musique du peuple, hymnes à cette fameuse common decency orwellienne au délicat fumet de rhum et de cigare…
À la fin d’un siècle meurtrier tout entier dédié au futur, à l’aube d’un millénaire qui promettait voitures volantes, internet via modem 512k et autres écueils techno-stylistiques, le pari du Phœnix Buena Vista Social Club sonne le rappel à une humanité égarée.
Des papis à la peau sombre et tannée jouent sur de vieux instruments, chantent, dansent et éclatent de rire…
Sous-titres : calmez vous les jeunes, l’histoire est longue, les voitures volantes n’existent pas, le bug de l’an 2000 n’aura pas lieu, installez vous dans le présent comme dans un bon fauteuil club tout en vous tenant à vos racines, respirez et écoutez la vraie vie.
Des millions d’albums vendus, des Grammy, des tours du monde, un film à succès et quelques décès plus tard, Buena Vista Social Club s’entend encore dans quelques restaurants… la mode est passée, le vent a tourné. Les hommes ont repris leur course effrénée après le Grand Rien… mais toi, amateur de la lenteur, de l’histoire, de la beauté, de la vérité, prends ce vinyle, pose-le sur ta platine, serre-toi un verre de ce petit rhum arrangé que tu auras auparavant ramené d’un de tes périples à la supérette du coin, allume-toi ce gros cigare que tu gardes précieusement depuis l’an 2000, ferme les yeux et pense à cette longue journée passée au champ, et aux yeux noirs de cette femme qui chante en attendant ton retour, devant le crépuscule ensanglanté d’une Île que tu es désormais…
Discographie
– 1997 : Buena Vista Social Club
– 1998 : Live at Carnegie Hall
– 2015 : Lost and Found
L’anecdote :
Quelques mois après la sortie de l’album et son succès, Ry Cooder contacte son vieux pote Wim Wenders (pour qui il avait composé la BO de Paris-Texas entre autres…) et lui propose de venir à La Havane filmer des vieux papis cubains jouer leurs classiques.
Wenders accepte et le projet de documentaire de 20 minutes filmé en 2 semaines de transforme en un pèlerinage d’un an, 50 heures de rushes, et un long métrage qui connaîtra la gloire que l’on sait…
